Jean Ferraille : « Manifeste à son(s) » - Résistance des Matériaux 02 (2012)
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dans Résistance des Matériaux
"En tonnes, vous m'entendez, en tonnes je vous arracherai ce que vous m'avez refusé en grammes !". Cet extrait de « Contre ! » d'Henri Michaux, scandé par Djamal pour le projet Revolutions Per Minute qui constituait le premier test de Résistance des Matériaux, résonne plus intensément que jamais. Deux ans plus tard, en effet, Aphasia - désormais Jean Ferraille - reste aussi appliqué qu'enragé. Patiemment, il a remis sa petite fonderie en marche, prenant soin de ne regarder en arrière que pour mieux construire du neuf.
Si « Manifeste à son(s) » suit les même procédés de fabrication que Revolutions Per Minute, le bruit et la fureur s'expriment cette fois dans des formes plus contrastées, plus décalées aussi. Surtout, Jean Ferraille saisit l'opportunité occasionnée par la rencontre avec Mistress Bomb H autour du LP « 9 pictures » publié un an auparavant. Et organise un feu polyrythmique autour de la voix de sa nouvelle partenaire. Au timbre soul et accents slam de la Bomb H répondent, en face A, les saillies electrocore de la Ferraille inspirées par le freak jazz de Painkiller, le punk nauséeux de Crass ou les explosions en laboratoire du GRM. Un étrange magma d'influences pour trois pièces, « Born », « Weeds », « Crumbs » et un instru, « Radiator », d'un genre vraiment (d)éton(n)ant.
En face B, c'est au noise éruptif de KK Null et Russell Haswell comme aux tourbillons psychédéliques façon Keith Fullerton Whitman que l'on pense à l'écoute de « Phantom ». Brutal et jubilatoire ! Mais c'est « Dialogue (with the machine) » qui tire finalement toute la couverture. Jean Ferraille sort le grand jeu, en mégalo affirmé, et se paie une réinterprétation du déjà iconoclaste « Dialogue ordinaire avec la machine » de Luc Ferrari. Deux faux apprentis, une machine capricieuse, un mode d'emploi à moitié lu pour une découverte pas-à-pas assez hilarante. Dans l'imaginaire de monsieur Ferraille, la bécane semble complètement échapper au contrôle de ceux qu'on pourrait imaginer être ses créateurs. Ronflante, crissante, fumante même. Le ressort burlesque n'en est pas altéré, bien au contraire. Mais vos speakers, eux, n'ont qu'à bien se tenir !
Joli tour de force, finalement, ce « Manifeste à son(s) ». Ouvrant de nouvelles perspectives à son auteur tout en lui conférant - si ça n'était pas déjà le cas - la taille patron. Et bousculant - maltraitant ? - au passage les codes de l'electro radicale. Le meilleur, c'est qu'on en attendait pas moins.
Tracklisting :
A1- « Born » (feat. Mistress Bomb H)
A2- « Radiator »
A3- « Weeds » (feat. Mistress Bomb H)
A4- « Crumbs » (feat. Mistress Bomb H)
B1- « Phantom »
B2- « Dialogue (with the machine) »
All tracks :
Jean Ferraille at Pavillon Vendôme
Voice on « Born »/« Weeds »/« Crumbs » : Mistress Bomb H
Text : Doktor Inspektor / Translation : Sarah Sankey
« Dialogue (with the machine) » : rework of « Dialogue ordinaire avec la machine » by Luc Ferrari (1984)
Mastering + cut :
YannDub @ Reverse Studio
Artwork + layout :
Mélanie Bourgoin
Discographie sélective :
> « Aphasia » E.P. - Bloc46 EP 001 (1998)
> « split with Yann Dub » - Astropolis / CCM (1998)
> « 1981 » E.P. - Bloc46 EP 003 (1999)
> « Brain Patch error » - Bloc46 LP 001 (2001)
> « Kronik 2 the galaxy » - Bloc46 EP 008 (2001)
> « Deadtrax » - Bruits de Fond 01 (2002)
> « The remixes » - Bloc46 EP 012 (2002)
> « Aracheend » - Bloc46 LP 002 (2003)
> avec Palindrome : « Rions noir » - Bloc46 LP 006 (2003)
> avec Palindrome : « Lame de fond » - Bloc46 EP 014 (2003)
> « Deadtrax vol.2 » - Bruits de Fond 08 (2005)
> « Oxymoron » - Bruits de Fond 13 (2008)
> « Revolutions Per Minute » - Résistance des Matériaux 02 (2010)
> à la production : Mistress Bomb H « 9 pictures » - Bruits de Fond 19 (2011)
Discographie complète :
http://www.discogs.com/artist/Aphasia
Liens :
http://jeanferraille.bandcamp.com
http://fr-fr.facebook.com/people/Jean-Ferraille/100002066447411
http://mistressbombh.bandcamp.com
http://melaniebourgoin.blogspot.fr
Reviews :
(...) This Aphasia is Jean Ferraille from France and for about ten years he worked with lots of beats, hardcore and all. But now he's just called Jean Ferraille - still not his real name - following his moniker Nicolas Leal (see Vital Weekly 766). This change seems necessary as the sound has changed. Not much, but enough to justify this move. The noise of the previous record is still present, but it seems less heavy than before. There are moments of quietness to be detected here, when things are dropping down, and Ferraille lets his music breath for a while, with a few carefully placed crackles and hiss. That makes this into quite a nice record, a 'noise plus' record. Not going for the all out distortion, but for depth and detail. A record to be played at 45 rpm, but should you happen to play it 33 rpm: it makes hardly any difference - and I mean this as a compliment. Somewhere in the no-mans zone with noise, musique concrete, metal bashing and cut-up. A heavy platter indeed, again, on any speed.
Frans de Waard - Vital Weekly
And yes another moniker for Aphasia, this time with a very intense and rugged full length record which also features his Mistress Bomb H on vocals on a couple of tracks. There's a lot going on here, meaning that I might be something and be wrong on what was done, but it seems to me like a mixture of Neubauten-esque experimentations with metal scrapings, a lot of contact-mic noise, digital distortion and some new edit and loops in the end. "Manifeste à Son(s)" is definitely not a calm affair, but it's also not beat-driven as one would expect here. Very experimental but quite coherent, cohesive and more encompassing its listener than losing him. Dense.
Nicolas Chevreux - Ad Noiseam
(...) Après un double maxi déjà chroniqué en février dernier, nommé « Revolutions per minute », je savais à peu près à quoi m'attendre. Me voilà ravi d'être totalement surpris par une approche originale des fondations des musiques industrielles et électroniques, voire break core. Ici c'est épuré. Ce qui m'a touché d'entrée. Un Pan sonic complètement démantibulé, un son proche des productions du label Schematic, via notamment Richard Devine. Une électronique sombrement froide, piquée au vif, virile et vrillée, noise. Et quand la voix de Mistress Bomb H se pose, on touche à du très bon. Digne des grandes heures du Kid 606 et consorts. Là ou c'est gagné chez moi, c'est que Jean FERRAILLE sait nous séduire et nous faire apprécier son univers de thématiques clairement issues des musiques techno tendance break core. Ce qui ne semble pas si évident chez moi, mais c'est réussi de fort belle manière. Surtout lorsque sur la face B, il nous plonge dans une noise proche des tout débuts des Wolf Eyes, et influencée directement par Luc Ferrari et son texte « Dialogue ordinaire avec la machine ». Un superbe croisement des musiques acousmatiques et électroniques actuelles. A la sauce Jean FERRAILLE bien sur. Une production aux petits oignons vient couronner le tout. Non vraiment, c'est une totale réussite ce disque.
Cyrille Lanoë - Revue & Corrigée
Vous avez aimé Revolutions Per Minute de Jean Ferraille ? Vous avez aimé 9 Pictures de Mistress Bomb H ? Et bien, sur ce mini album du nom de Manifeste A Son(s), on retrouve précisément et avec grand plaisir ces deux artistes et musiciens. Et si ce disque sort sous l'appellation de JEAN FERRAILLE et que toutes les compositions sont créditées du seul nom de ce garçon, on peut quand même parler – au moins pour la première face de Manifeste A Son(s) – d’une véritable et fructueuse collaboration.
Les trois titres enregistrés par Jean Ferraille et Mistress Bomb H font même des merveilles : les bidouilles en forme de pachinko electro-punk voire bruitiste du monsieur contrastent mieux que jamais avec la voix décidément délicatement suave mais ferme et profonde de la dame. Une voix à la fois blanche, presque distante, mais teintée de ce supplément d’âme qui la rend captivante. On avait déjà affirmé que Mistress Bomb H était une vraie chanteuse et la preuve en est à nouveau faite sur Born et (un peu moins) sur Weeds et Crumbs. D’autre part Jean Ferraille confirme qu’il aime le fracas du metal et la vieille musique industrielle avec Radiator, un titre complètement instrumental réussissant à nouveau l’alliage de l’organique voire de l’humain et de la machine.